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Elon Musk a révélé les dessous de la censure du scandale Hunter Biden.
Olivier Douliery/AFP
Elon Musk passe à l'acte. Une semaine après avoir qualifié l'ingérence de Twitter dans les élections présidentielles américaines de "réalité évidente" et promis de publier sur le réseau social les documents prouvant ses dires, le nouveau propriétaire et PDG de Twitter a divulgué, vendredi soir, des documents internes à la plateforme sur l'affaire du "laptop" de Hunter Biden, le fils de l'actuel président des États-Unis Joe Biden.
Elon Musk a collaboré avec le journaliste indépendant Matt Taibbi, qui a divulgué sur son compte Twitter un long thread pour retracer cette affaire. Cette première divulgation, explique-t-il sur son compte Twitter, est "la première d'une série, basée sur des milliers de documents internes" du réseau social. Les "Twitter Files racontent une histoire incroyable depuis l'intérieur de l'une des plateformes de médias sociaux les plus importantes et les plus influentes au monde. C'est une histoire frankensteinienne", 𝕏 écrit-il.
De quoi il s'agit ? Matt Taibb dévoile dans son thread que les deux parties politiques, à savoir l'administration Trump et les membres de la campagne de Biden, sollicitaient, à partir de 2020, Twitter pour faire usage "d'outils de contrôle", initialement créés "pour lutter contre les spams et les fraudeurs financiers". Des demandes de supprimer des tweets "de célébrités comme ceux de parfaits inconnus" ont été "honorées", dit-il.
Toutefois, étant "majoritairement composé de personnes orientés vers la gauche", c'est-à-dire les démocrates, Twitter leur offrait "plus de canaux pour se plaindre". "Ce système n'était pas équilibré (...) Cette orientation dont résultent les décisions de modération de contenu est visible dans les documents que vous êtes sur le point de lire", affirme-t-il.
Le prétexte du "matériel hacké"
Le même journaliste titre ainsi cette première divulgation "Comment et pourquoi Twitter a bloqué l'histoire de l'ordinateur portable de Hunter Biden". Il rappelle la publication par le New York Post de l'histoire de l'ordinateur portable abandonné de Hunter Biden, qui a permis la fuite de contenus démontrant ses activités liées à la prostitution, à la drogue, mais également " des preuves de conflits d'intérêts" selon les républicains, entre Joe Biden et la compagnie gazière ukrainienne Burisma, à laquelle Hunter Biden est liée.
"Twitter a pris des mesures extraordinaires pour supprimer l'histoire, en supprimant les liens et en publiant des avertissements indiquant qu'ils pourraient être "dangereux". Ils ont même bloqué sa transmission par message direct, un outil jusqu'alors réservé aux cas extrêmes, par exemple, la pédopornographie", écrit Matt Taibb.
Il dévoile d'ailleurs une réaction du porte-parole de la Maison-Blanche sous l'administration Trump, Kaleigh McEnany, dont le compte a été suspendu pour avoir tweeté à propos de cette affaire. "Faites au moins semblant de vous soucier des 20 prochains jours (qui séparaient du jour du vote, le 03 novembre, ndlr)", avait écrit un 𝕏 membre de la campagne de Trump, chargé des réseaux sociaux.
Sa requête a dévoilé des tensions entre l'équipe de politiques publiques et celle de la modération, affirme Matt Taibb, qui dévoile la réponse d'un employé de Twitter sur les raisons de la suspension du compte. "L'histoire de l'ordinateur portable a été supprimée pour violation de la politique de Twitter en matière de "matériel piraté", lit-on. "Le piratage était l'excuse, mais en quelques heures, à peu près tout le monde s'est rendu compte que cela n'allait pas tenir", selon un employé de Twitter, cité par le journaliste.
Toujours d'après Matt Taibbi, la décision de supprimer ces tweets a été prise à l'insu du PDG Jack Dorsey, mais avec "l'ancienne responsable des affaires juridiques, politiques et de la confiance Vijaya Gadde, qui a joué un rôle clé".
L'argument avancé pour supprimer les liens portant sur l'affaire de Hunter Biden suscitait ainsi des tensions. Des cadres de Twitter ont exprimé leur "incompréhension" à Vijaya Gadde et à Yoel Roth, responsable des principales décisions de modération de contenus. "J'ai du mal à comprendre la base politique pour marquer cela comme dangereux", leur a écrit Trenton Kennedy, responsable des communications. "Devons-nous marquer également ces liens comme dangereux ?", s'interroge une autre employée en partageant dans le même échange un lien de Fox News sur l'affaire.
Une violation du premier amendement ?
Yoel Roth, qui a démissionné et qui n'a eu de cesse de critiquer Elon Musk depuis le rachat de Twitter, répondait ainsi que "les faits restaient flous. Compte tenu des risques SÉVÈRES ici (...) nous avons choisi d'inclure un avertissement et d'empêcher que ce contenu ne soit amplifié", avait-il justifié.
Les échanges divulgués par Elon Musk et son collaborateur démontrent ainsi le débat entre des cadres de Twitter avec des personnalités du Parti démocrate, ou qui lui sont proches, autour de cette décision de supprimer les tweets liés à l'affaire du fils à Biden. Le député Ro Khanna arguait, à titre d'exemple, que cette suspension était une "violation du premier amendement" de la Constitution américaine et prévenant contre "le retour du bâton" durant la campagne présidentielle.
Matt Taibbi a expliqué dans un "teaser" envoyé à ses abonnés sur Substack, une plateforme de publication de contenus et de newsletter, que son thread est "susceptible d'attirer beaucoup d'attention".
"Les 96 dernières heures ont été parmi les plus chaotiques de ma vie, impliquant de multiples allers-retours à travers le pays, avec un débat au Canada entre les deux. Il y a une longue histoire que j'espère pouvoir raconter bientôt, mais je ne peux pas, pas encore tout à fait en tout cas. Ce que je peux dire, c'est qu'en échange de la possibilité de couvrir une histoire unique et explosive, j'ai dû accepter certaines conditions", leur a-t-il écrit.
Dans son thread, il explique que cette affaire démontre surtout comment Twitter a évolué d'une plateforme qui donne aux gens "le pouvoir de créer et de partager des idées et des informations instantanément, sans barrières" vers un réseau "qui utilise des outils anti-spam pour manipuler également la parole, d'abord un peu, puis souvent, puis constamment".
"Twitter s'est montré dangereux ces 10 dernières années"
Deux jours après avoir promis de divulguer ces documents, Elon Musk réagissait à des déclarations de Yoel Roth, l'ancien responsable de l'intégrité du réseau social, lors d'une conférence de la Knigh Foundation, relayée par CNN, il a indiqué que Twitter "n'était pas plus sûr sous la direction" du patron de Tesla, qui dirigeait l'entreprise "comme un dictateur".
Pour rappel, Yoel Roth était responsable des principales décisions de modération de contenus. Son équipe est derrière l'interdiction de l'ancien président, Donald Trump. Les "Twitter Files" confirment qu'il était derrière le scandale lié à l'histoire de l'ordinateur portable Hunter Biden.
Les politiques de modération du contenu de Twitter sous Yoel Roth ont ainsi été sévèrement critiquées, notamment par les conservateurs américains. Twitter était accusé d'appliquer ses règles contre les "conservateurs de manière unilatérale".
Elon Musk réagissait ainsi au commentaire, sur Twitter, d'un internaute à un tweet de Reuters relayant dans un article les propos de Toel Roth. "Twitter s'est montré dangereux au cours des 10 dernières années et a perdu la confiance des utilisateurs. L'ancienne équipe de "confiance et sécurité" est une honte, elle n'a donc aucun droit de juger ce qui se fait maintenant. Ils ont eu une chance, mais ils ont vendu leur âme à une société", 𝕏 a-t-il écrit.
Le patron de Tesla a vite rebondi à ces propos : "Exactement", a-t-il écrit. "La réalité évidente, comme le savent les utilisateurs de longue date, est que Twitter a échoué en matière de confiance et de sécurité pendant très longtemps et s'est ingéré dans les élections. Twitter 2.0 sera beaucoup plus efficace, transparent et impartial", promet-il.