Source : Caducee.net, 05-03-2020
À l'Assemblée nationale, lors d'une question au gouvernement posée le 3 mars dernier par le député LR et cardiologue Jean-Pierre Door, le ministre de la Santé a affirmé qu'à la suite d'une « grande concertation » post H1N1, la France aurait cessé de renouveler ses stocks de masques FFP2 depuis 2011.
Cette affirmation interroge d'autant plus que ni les média, ni les syndicats de médecins n'étaient visiblement au courant et que cette décision a été prise en dépit des recommandations du HCSP qui datent de 2011 ainsi que de celles de la Société Française d'Hygiène Hospitalière publiées en 2009 justement après l'épidémie de H1N1.
FFP2 : Pas de stock d'État depuis 2011
En 2011, c'est Xavier Bertrand le ministre de la Santé. Il succède alors à Roselyne Bachelot qui avait dû gérer l'épidémie de grippe H1N1 en 2009-2010 pour laquelle la réponse de l'État s'était révélée surdimensionnée notamment en ce qui concerne l'acquisition de vaccins.
Selon Olivier Véran, c'est dans ce contexte qu'aurait été prise la décision de ne pas renouveler les stocks de masques FFP2 arrivant à expiration. Les autorités auraient justifié cette décision par « la plus grande disponibilité de certains produits et de leur commercialisation en officine de ville ».
Or les masques FFP2 sont massivement importés de Chine où les usines tournent aujourd'hui au ralenti. Et les stocks des pharmacies d'officine ont été pris d'assaut dès le début de l'épidémie par des personnes qui s'en servent pour faire des selfies sur les réseaux sociaux. Preuve qu'en matière sanitaire, compter uniquement sur la capacité des marchés à répondre à la demande est un pari pour le moins risqué.
Des commandes tardives
« Ce qui n'a peut-être pas été anticipé en 2011, et c'est sans aucune polémique, c'est que parfois des crises sanitaires peuvent entraîner des crises industrielles » plaide Olivier Veran dans sa réponse à Jean-Pierre Door.
Ce n'est probablement pas la seule chose qui n'a pas été assez anticipée, puisque ce n'est que fin février qu'une commande de 35 millions de masques FFP2 par mois aurait été passée par M. Véran, fraichement nommé en remplacement de Mme Buzyn.
Or les industriels annoncent entre 4 et 6 semaines de délais.
« La réaction a été tardive. Depuis janvier, nos carnets de commandes se remplissent pour des semaines, voire des mois. » explique Laurent Suissa, le directeur général d'un des principaux acteurs du secteur à Libération. « Ça fait six semaines qu'on leur dit qu'il va y avoir un problème ».
Un manque d'anticipation de Mme Buzyn ?
Le 30 janvier, l'Organisation Mondiale de la Santé qualifiait l'épidémie de coronavirus COVID-19 d'urgence de santé publique de portée internationale. La France compte alors 6 cas sur son territoire et quelque 200 Français vont être rapatriés de Wuhan.
Entre le 30 janvier et fin février, pendant 4 longues semaines, et en dépit de l'absence de stocks d'État, de la ruée sur les stocks officinaux, aucune commande de masques FFP2 n'aurait donc été passée par les services de Mme Buzyn afin de fournir la protection alors recommandée pour tous les professionnels de santé libéraux susceptibles d'être exposés au virus en cas d'épidémie. Pourquoi un tel manque d'anticipation ?
Pourtant Mme BUZYN jure ses grands dieux que la France est prête et que les commandes de masques ont été prises.
▶#Les4V
Des réquisitions présidentielles
Pour preuve que le sujet est désormais pris au sérieux, c'est le Président en personne qui annonce la réquisition des moyens de production français sur son compte tweeter.
Un changement de doctrine qui interroge
Pour le directeur général de la Santé, J. Salomon, « Il y a une équivalence stricte des masques chirurgicaux avec les masques FFP2 pour les virus transmis par voie gouttelettes ».
Pour justifier son propos, il se base sur une étude publiée dans le JAMA en 2019 qui montre qu'il n'y a pas de différences significatives en termes d'incidence de la grippe entre des professionnels de santé qui auraient porté des masques FFP2 vs FFP1.
Se baser sur une étude portant sur la grippe pour étayer des recommandations sur le coronavirus peut paraitre d'autant plus léger que cette étude est largement 𝕏 critiquée et que les recommandations en vigueur en France du HSCP et de la SFHH, ainsi que celles en vigueur aux États-Unis et en Chine sont unanimes pour promouvoir l'usage du FFP2 pour les professionnels de santé.
« On gère cette crise de manière trop légère » déplore le président du CSMF pour Capital. « Ce n'est pas en phase épidémique qu'il faudra réagir ».
👉Le masque chirurgical donné aux soignants libéraux pour moyen de protection reflète la méconnaissancede ce que nous sommes
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👉Le masque chirurgical donné aux soignants libéraux pour moyen de protection reflète la méconnaissancede ce que nous sommes
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Source : Caducee.net, 05-03-2020
Source : Caducee.net, 06-03-2020
Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers a réalisé un sondage par Internet visant à évaluer l'équipement des soignants face au coronavirus COVID-19. Les résultats obtenus semblent indiquer que le secteur libéral n'est pas le seul secteur à être impacté par le manque de matériel de protection et d'hygiène. La prise en charge des patients serait dégradée. Certains patients suspects ne seraient pas testés faute de moyens ou de budget.
Les soignants manquent de matériel et leur pratique est impactée par les vols
En effet tous secteurs d'activité confondus, 78 % des soignants déclarent manquer de masque FFP2, 63 % de masques FFP1 et 53 % de solutions hydroalcooliques (SHA).
« Nous déplorons l'impréparation des gouvernements, entre la décision irresponsable de ne plus stocker de masque FFP2, et le fait d'attendre fin février pour se décider enfin à en commander en urgence. Agnès Buzyn nous a fait perdre deux mois. Dans les hôpitaux et les cliniques, nous manquons de masques FFP2. En ville, les libéraux ont dû attendre début mars pour recevoir des masques chirurgicaux (inadaptés face aux patients avérés) qui se périment en mars ! »
35 % des répondants auraient également constaté des vols de masques ou de SHA
« 63 % des professionnels infirmiers sont aussi régulièrement confrontés à un manque de masques chirurgicaux (masque habituel) et de solution hydro-alcoolique (SHA). Cette situation s'explique par des vols : jusque-là les masques et solutions hydro-alcooliques étaient à disposition des visites et soignants à l'entrée des chambres des patients infectés ou en isolement pour aplasie. Nous sommes maintenant obligés de demander aux visiteurs de passer en prendre dans le poste de soin pour éviter les chapardages, constatés par 35 % des infirmières. Des vols organisés ont été également constatés dans certains établissements. »
Des prises en charge déficientes
Autre enseignement de l'enquête, 12 % ont vu des patients renvoyés sans être testés, faute de test suffisant et 7 % pour des raisons budgétaires.
8 % se seraient vus proposés par un cadre d'utiliser un simple masque FFP1 face à un cas confirmé et 3 % de mettre 2 masques FFP1 faute de masques FFP2.
« Ce que nous réalisons, c'est que si nous avions du faire face à un virus type Ebola, nous n'aurions pas pu faire face : faute de FFP2 les soignants auraient été décimés rapidement. » déclare Thierry Amouroux, Porte-parole du SNPI CFE-CGC.
Méthodologie utilisée :
Du 3 au 6 mars 2020, 16 383 infirmières, cadres infirmiers ou infirmières spécialisées ont répondu à un questionnaire sur le site Internet du SNPI :
- envoi d'une newsletter à 29 837 abonnés le 3 mars 2020
- le site du SNPI enregistre 6 358 connexions par jour, le sondage étant en une
- relances sur facebook et twitter
Source : Caducee.net, 06-03-2020
Voir aussi : Pénurie de masques : les autorités n'ont pas vu plus loin que le bout de leur nez